Alléchantes vitrines !

Durant l’automne 2022, la Bibliothèque historique a présenté dans les vitrines de l’accueil une sélection de documents éphémères portant sur les commerces et produits alimentaires. Il s’agissait de mettre en lumière un ensemble tout juste classé et inventorié.

Si vous avez manqué cette présentation ou si vous en prenez connaissance seulement maintenant, elle vient jusqu’à vous virtuellement : en voici le texte de présentation, les photos des vitrines et les cartels correspondants.


Ouverture d’un nouveau rayon ! Publicités de commerces et de marques alimentaires

Paris est réputée depuis longtemps pour être une ville où l’on mange bien. Lieu de naissance du restaurant dès la fin du 18e siècle, la capitale propose de nombreuses et grandes tables à ses habitants et ses visiteurs.

Mais ici, nous vous proposons de découvrir une sélection de documents témoignant de l’activité des commerces et des industries alimentaires.

Ils proviennent de la collecte de petits documents du quotidien initiée au début du 20e siècle par Marcel Poëte, alors directeur de la Bibliothèque historique. Ils appartiennent aujourd’hui aux riches collections de notre Département des Éphémères.

Les commerces représentés proposent toute sorte d’aliments : il s’agit d’épiceries, de marchands de vin, de boulangeries, de chocolateries, de laiteries, de boucheries, de poissonneries, de marchands de cafés, etc. Ces enseignes sont de taille très variée, allant de la grande maison à succursales au petit commerce de quartier.

Les adresses parisiennes sont bien sûr les plus nombreuses dans notre collection, mais elle renferme aussi des documents provenant de commerces et d’industries de province et de l’étranger.

La plupart des documents ont été diffusés entre 1890 et 1930, mais vous pourrez aussi en découvrir de plus anciens, remontant jusqu’à la période révolutionnaire, et de plus récents, allant jusque dans les années 1960.

Vous pourrez voir dans ce parcours des documents de natures très diverses. Les prospectus, les dépliants, les catalogues et les buvards publicitaires sont majoritaires ; nous avons également fait la part belle aux images publicitaires. Mais les commerçants et les producteurs faisant preuve de grande imagination pour fidéliser les consommateurs, vous pourrez aussi découvrir des typologies de documents beaucoup plus rares dans la collection, comme des petits jeux, des masques, des chapeaux en papier, des protège-cahiers, etc.

Nous vous invitons donc à un parcours à travers plus de 200 documents réunis selon 10 sujets, historiques, thématiques ou typologiques. La dernière vitrine vous propose une sélection de documents insolites, qui, nous l’espérons, vous étonneront ou vous feront sourire.

1 – Il y a 200 ans et plus…

Le département des Documents éphémères conserve des documents commerciaux assez anciens. Ici, nous sommes au début du 19e siècle, voire plus tôt encore.

La plupart font la promotion de boissons : liqueurs, vins Nicolas, café ou moka en poudre à mélanger à de l’eau bouillante ou du lait chaud.

Ces cafés en poudre viennent d’être perfectionnés et sont présentés dans des expositions comme ici au Louvre en 1819, parmi les Produits de l’industrie française. Ce type d’événement est l’ancêtre des expositions universelles.

Sur les documents plus anciens, les enseignes précisent dans la marge : « Cette marque est déposée au greffe du Tribunal de commerce » du lieu, ou « au Conseil des Prud’hommes ». Cette mention renforce leur visibilité et leur légitimité. Un discours scientifique, comme celui du pharmacien Lamégie, peut également contribuer à la promotion d’un produit, à la frontière entre médicament et aliment.

Le catalogue Desmares, glacier-restaurateur, liste une grande variété de plats, des entrées de gibier aux entremets sucrés, en passant par des rôts de volaille ou de poisson. Il propose un service traiteur pour les soirées et réceptions.

La lettre de Nicolas, fondateur de l’enseigne des vins du même nom, datée de 1822, annonce l’ouverture de 3 succursales dans Paris, en plus du magasin d’origine de la rue Saint-Anne prétendument ouvert la même année. Il s’agit en réalité d’un faux de la 2e moitié du 19e siècle : les sociétés se créent en effet parfois une « légende » pour asseoir leur réputation auprès de la clientèle. Le texte insiste sur le dynamisme de l’entreprise qui aurait proposé dès les années 1820 de la vente en magasins ainsi que des livraisons à domicile.

Les enseignes parisiennes de la première moitié du 19e siècle sont pour la plupart situées dans les arrondissements du centre de la capitale. C’est en effet les plus peuplés, les plus animés et les plus proches de la clientèle fortunée.

2 – Grandes enseignes…

Les enseignes prestigieuses sont nombreuses sur Paris. Ce sont de grandes épiceries ou des commerces ayant une grande notoriété. La plupart possède des succursales à Paris, en banlieue ou en province.

Le plus fameux des cavistes, l’entreprise des vins Nicolas, fait apparaître sur sa communication publicitaire le personnage de Nectar en 1922. Plus tard, une chemise illustrée nous présente le célèbre livreur dominant la capitale étincelante, prêt à livrer ses fines bouteilles chez les clients.

Sur son papier à en-tête de 1917, le grand épicier Julien Damoy met en valeur son implantation à Paris et en banlieue et indique les moyens d’accéder à ses magasins en transports en commun.

La carte illustrée par Pierre Falize (1876-1953) nous montre un poissonnier rapportant huîtres et esturgeon sur le rivage. C’est une publicité pour la célèbre maison Prunier, implantée à Paris en 1872 et réputée pour la qualité de ses plats. En 1905, 600 coursiers livraient à domicile, dans les hôtels ou les restaurants.

Le calendrier pour l’année 1900 de la maison Boissier est découpé en forme de sachet de bonbons avec une grande finesse. Ce sont ces « bonbons boules » fourrés aux fruits qui ont rendu célèbre cette maison qualifiée de « Confiseur de Paris » par les élégantes des années 1840.

Les grandes enseignes éditent régulièrement un catalogue pour présenter à leur clientèle tout l’éventail de leurs produits. Au début du 20e siècle, le catalogue de Félix Potin contient 2000 articles ! Il propose des vins et des produits alimentaires, mais aussi des articles pour la maison.

Les catalogues des grandes enseignes sont parfois accompagnés de listes d’articles avec primes qui permettent aux clients d’accumuler des points et de gagner des articles de ménage, comme ici dans les Établissements des Cafés Georges.

Certaines enseignes sont réputées pour la beauté de leurs publications commerciales comme la confiserie Marquis ou la chocolaterie « A la Marquise de Sévigné ». Pourtant les débuts de cette maison sont assez modestes puisqu’à la fin 19e siècle, M. et Mme Rouzaud rachète une petite chocolaterie à Royat, en Auvergne. Grâce au dynamisme du couple et à l’essor économique du début du siècle, ils ouvrent deux somptueux magasins à Paris en 1906.

Mais, durant les périodes moins fastes, les catalogues perdent de leur éclat et deviennent beaucoup plus sobres, comme celui qu’édite l’enseigne Félix Potin pour ses 100 ans en 1944. La couverture reprend simplement la silhouette de la façade du magasin du boulevard de Sébastopol.

3 – … et petits commerces

Paris et sa banlieue sont aussi parsemées de petits commerces de quartier plus modestes, et à la portée des bourses moins remplies. Certains « petits » comme l’Épicerie-Bicyclette, du boulevard Magenta défient même « les gros » et se défendent de proposer le meilleur rapport qualité-prix sans artifice superflu. Mais beaucoup annoncent tout de même cadeaux ou primes.

Les petites enseignes privilégient les prospectus et parfois les buvards comme supports de communication. Le papier utilisé est souvent plus fragile, l’impression, de moindre qualité et les illustrations, rares. Certains documents ne portent même pas le nom du gérant comme ici les Caves du Square, rue Didot.

Ils sont distribués pour annoncer l’ouverture d’un commerce, un agrandissement, un changement de propriétaire ou une vente exceptionnelle. Parfois, des mentions supplémentaires vantent des services particuliers aux clients comme « On porte en ville » pour la nouvelle poissonnerie de la Veuve Lejars.

On notera la présence d’un type de commerce qui a pratiquement disparu : la triperie (Maison Thiéry), ou commerce d’abats, c’est-à-dire de morceaux réputés non nobles, pour consommateurs moins argentés.

4 – Bonne chère…

Capitale d’un pays où l’on aime faire bonne chère, Paris passe pour un haut lieu de la gastronomie.

Grâce aux ressources des terroirs français, voire de régions et pays plus lointains, les commerces alimentaires parisiens se font fort de permettre aux cuisiniers et ménagères de sélectionner des produits variés et de grande qualité, d’inventer des recettes et de préparer les plats les plus raffinés.

Le nom des enseignes lui-même est parfois très évocateur, comme « Le Faisan doré » ou « Au gourmand Corcellet ».

Les menus des « lunchs ou soirées » proposés par les traiteurs sont composés d’une impressionnante succession de plats allant du potage à la pièce montée, en passant par les relevés de poissons, les pâtés en croûte et les entremets.

Le Guide gastronomique de F. Luce constitue un catalogue de ces plats pour fines bouches, tandis que foie gras, truffes et caviar se disputent la vedette dans cette appétissante sélection de prospectus, dépliants et étiquettes.

5 – … et restrictions

L’essentiel de la collecte des documents éphémères de la Bibliothèque historique a été réalisé quelques années avant et pendant la Première Guerre mondiale. La Société des Amis de la Bibliothèque historique est d’ailleurs fondée dans ce but en 1910 par Marcel Poëte, alors directeur de l’établissement.

De nombreux commerces ont très vite montré leur soutien aux soldats sur le front en proposant des paquets à expédier, des repas pour militaires et prisonniers ou des rayons spéciaux dans leur magasin comme les épiceries Luce.

Les couvertures de catalogues prennent aussi des accents patriotiques et sont illustrées de drapeaux, de cocardes tricolores et de Poilus. Beaucoup de sociétés ont également rebaptisé certains de leurs produits comme « le Bonbon du Poilu », « le Quinquina Joffre » ou la chicorée « le Baiser de l’Alsacienne ».

En cette période de restriction, certains aliments sont plus difficiles à produire ou à acheminer. Par exemple, un arrêté ministériel de 1917 est pris pour fixer le prix du chocolat. Chacun doit participer à l’effort de guerre.

Des mesures plus sérieuses sont prises vis-à-vis de certaines entreprises gérées par des Allemands, comme le séquestre des intérêts du directeur de la société Suchard en 1915.

6 – Au fil des saisons

De l’Épiphanie à la Saint-Sylvestre, les différentes fêtes religieuses et profanes et les événements de la vie familiale scandent le calendrier de l’année commerciale. Ils sont l’occasion pour les enseignes alimentaires de présenter au fil des saisons des produits de circonstances ou de faire des promotions.

Les grandes enseignes, et même les plus petits commerces, éditent alors toutes sortes de documents publicitaires : prospectus, buvards, dépliants, signets, cartes illustrées, brochures, etc.

Les produits proposés sont variés : des cloches ou des poissons en chocolat pour Pâques, des dragées pour les baptêmes, des caisses de bon vin pour les étrennes sont les plus couramment vantés.

Mais d’autres occasions saisonnières plus originales sont aussi saisies :  durant la période estivale, à la faveur de la reprise des pique-niques, les grandes épiceries proposent des paniers ou des cartons-repas, parfois très copieux, à emporter lors de ses excursions.

7 – Consommez avec sagesse

Commerces de première nécessité, les enseignes alimentaires manient dans leurs discours promotionnels à destination des ménagères des thèmes tels que la recherche d’économies, les circuits courts ou le recyclage qui font écho à nos préoccupations du 21e siècle.

Plusieurs prospectus insistent sur l’importance de réduire les intermédiaires entres les producteurs et les consommateurs : les circuits courts et locaux sont à privilégier, car ils sont plus économiques, ils réduisent les étapes d’acheminement et les aliments arrivent plus frais sur la table du client. Par exemple, dans le Jardin d’Acclimatation, une vacherie permet de se procurer du « lait fraichement trait », ainsi que des œufs et du beurre.

Certains producteurs, notamment dans des périodes de crise, comme ici les Caves Pams Frères, à Port-Vendres dans les Pyrénées-Orientales en 1931, ont un discours plus militant et plus protectionniste. Ces derniers n’hésitent pas à préciser sur leur prospectus : « Français, achetez des produits français ».

On remarque que des détaillants pratiquent la reprise des « vases vides ». Ces consignes ne se limitent pas aux bouteilles ; il s’agit de reprendre tous les contenants en verre ou en fer pour faire des économies d’eau et pour les réutiliser : les bouteilles de chez Nicolas sont reprises jusqu’à 28 fois !. Le document de chez Julien Damoy nous donne un éventail très détaillé des vases consignés, du flacon de fleur d’oranger repris pour 5 centimes, au cuveau de 50 kg de saindoux repris pour 12 francs !

Enfin, commerces et marques alimentaires s’invitent dans les cuisines des particuliers à travers des prospectus ou des fascicules délivrant des conseils de consommation, comme Félix Potin vantant la viande congelée, ou diffusant des recettes, tel qu’Olida ou la Tomate réduite de Naples Le Vésuve.

L’achat alimentaire peut également revêtir un aspect charitable lorsqu’il s’agit de s’approvisionner auprès d’un commerce employant des personnes en difficulté, comme durant l’Entre-deux-guerres l’Épicerie des aveugles tenue par « J. Groussier, aveugle de guerre ».

8 – Pour fidéliser la clientèle

Quelle que soit l’importance d’une enseigne, le gérant a le souci de créer une relation solide avec son client pour l’attacher à son commerce.

Nous connaissons tous les cartes de fidélité, les vignettes collectées pour obtenir un produit en cadeau ou les images glissées dans les tablettes de chocolat.

A la Belle Époque, ce sont les chromolithographies qui dominent. Cette méthode d’impression sur pierre en couleur mise au point au 19e siècle permet l’essor de supports publicitaires plus attractifs, notamment l’affiche et la petite carte à collectionner. Les marques de café, de thé, et surtout de chocolat les utilisent largement. Elles portent sur des thèmes très différents : scènes de jeux, géographie, sports, faune, etc., et ont souvent une portée pédagogique. Certaines, plus ludiques, proposent des énigmes ou des rébus.

D’autres objets étaient aussi offerts aux clients : des calendriers, des agendas, des buvards et des protège-cahiers, des jeux à tirettes, des images à colorier ou à découper, des masques, etc.

On comprend qu’il fallait d’abord capter l’attention de l’enfant pour fidéliser les parents de façon durable.

9 – De grands artistes à table

Pour illustrer leurs documents publicitaires et accroître leur prestige, certaines grandes enseignes, font appel à des artistes réputés.

Dès 1928, la maison Nicolas envisage une alliance entre le vin et l’art. Dransy, créateur du livreur Nectar, Paul Iribe, Bernard Buffet, etc., et certains illustrateurs de bande dessinée, comme Charles Berbérian et Philippe Dupuis, collaborent à la réalisation de supports publicitaires (catalogues, dépliants, cartes, etc.).

Alain Saint-Ogan, le père de Zig et Puce, participe à l’illustration d’un dépliant des vins Léonelli, et on retrouve les amoureux de Peynet sur un catalogue des champagnes Perrier-Jouët.

La prestigieuse Chocolaterie des Merveilleuses, avenue des Champs-Élysées, confie à Sem le soin d’illustrer les cartes publicitaires glissées dans ses coffrets. Dans un tout autre style, la société L’œuf du jour fait aussi appel à lui pour un dessin plus sobre.

10 – Cabinet de curiosités

Nous avons regroupé dans cette vitrine des documents de typologies variées qui ont retenu notre attention, nous ont étonnés, fait sourire ou émus au cours de leur classement et de leur inventaire.

Ils peuvent présenter un intérêt particulier de par leur forme, leur propos ou leur origine.

Nous vous invitons à admirer quelques images découpées, d’autant plus remarquables qu’elles étaient façonnées à la main.

Comme les éphémères n’ont pas vocation à être conservés, les auteurs des argumentaires commerciaux sont peut-être parfois plus spontanés et prennent plus de libertés dans leurs propos ; l’avis de décès Lajaunie constitue un bel exemple d’inventivité.

Le nom de la grande chocolaterie Menier a-t-il été repris par d’autres enseignes ? En tout cas, Menier protège ses produits et sa marque en diffusant des petites affichettes de mise en garde : « Vérifiez le nom Menier incrusté sur chaque tablette » ou « Méfiez-vous des similitudes de noms ».

Plusieurs usines situées à Paris ou en région parisienne sont représentées ici. Elles étaient nombreuses au début du 20e siècle et ont pratiquement disparu à l’heure actuelle.

Quelques documents de producteurs étrangers présentés ici attestent de la vitalité des relations économiques de la France et de Paris avec l’extérieur à la Belle Époque, et pas seulement avec les colonies.


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