Les éphémères portant sur le sport à Paris
Physionomie de la collection
La Bibliothèque historique de la Ville de Paris publie un nouvel inventaire en cette année 2024 où Paris reçoit les Jeux olympiques. Il s’agit de documents portant sur le sport, qui étaient jusqu’alors regroupés dans la série 106 de la classification de Jules Cousin1. Les boîtes de différents formats contiennent 664 dossiers classés par sport ou par type de sports (sports de combat, par exemple).
Les sports ou activités impliquant la participation d’animaux faisaient aussi partie de cette série. La chasse est très bien représentée dans la collection ainsi que les courses de taureaux. L’inventaire comprend également quelques documents sur la pêche et les courses de chiens.
Cet ensemble couvre essentiellement Paris et la Région parisienne, même si on y trouve, très marginalement, quelques documents provenant de province ou de l’étranger.

BHVP, 4-DEP-013-0068
Les dates extrêmes de cet inventaire vont de l’année 1727 à l’année 2019, mais la majeure partie des documents est comprise dans une fourchette chronologique allant de 1870 à 1939. La collecte faite par les bibliothécaires et par la Société des amis de la Bibliothèque historique dans les années 1910, a permis de rassembler de nombreux documents de ces décennies.
Programmes de manifestations, cartes de membres, cartons d’invitation, prospectus, brochures, calendriers, billets d’entrée, etc. constituent cet ensemble.
Mais de manière exceptionnelle par rapport à nos pratiques habituelles, cet inventaire comprend, outre ces documents éphémères (cotés -EPH-), les affiches portant sur le sport (cotées -AFF-), ainsi que des dossiers documentaires constitués de coupures de presse et de défets de monographies (cotés -DOC-).

Cet inventaire est constitué de 20 séries correspondant chacune à un sport particulier ou à une catégorie de sports, classé par ordre alphabétique. S’y ajoutent deux parties : l’une portant sur le secteur omnisports et l’autre regroupant des généralités.
Pour chacun des sports, quand la variété et la quantité des documents l’ont requis, les mêmes sous-parties ont été créées : la première porte sur les sociétés, fédérations, ligues, clubs, associations, c’est-à-dire les structures constituées de membres actifs et organisant les activités ; la seconde regroupe les lieux de pratique ; et la dernière liste les différentes manifestations liées au sport concerné.
Naissance et développement des sociétés sportives parisiennes
Les premières sociétés répertoriées dans cet inventaire concernent l’hippisme, avec la création en 1833 de la Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux (ancêtre de France-Galop). Elle a avant tout pour objet d’organiser des courses hippiques et de gérer les hippodromes. Dans cet inventaire, nombreux sont les documents portant sur les champs de courses parisiens, mais aussi sur ceux de province (Chantilly, Deauville, Bordeaux, La Réunion, etc.) et de l’étranger (Suisse et États-Unis).


La Société hippique française a été fondée en 1865. L’inventaire conserve des coupures de presse de 1866 sur ses débuts. Elle a pour vocation d’organiser des concours hippiques, comme le fameux Concours central de Paris créé la même année que la société. La BHVP possède les programmes de cette épreuve sur plusieurs décennies, de 1885 à 1936.
Dès 1880, apparaissent les sociétés de gymnastique et d’éducation physique à un niveau local. L’inventaire en liste plusieurs. On peut citer l’Avenir du 19e arrondissement : société d’éducation physique, ou les Sans-souci : société de gymnastique et de tir du 2e arrondissement. Dans cette discipline, une société nationale nait en 1890 avec la Ligue française de l’éducation physique (ou Ligue nationale de l’éducation physique).
Liées à la gymnastique et à la préparation militaire, les sociétés de tir se développent dès 1882 avec, par exemple, la Société de tir du 20e arrondissement, ou la Patriotique : société de tir à courte et à longue portée, d’escrime et d’exercices militaires (1890). Simultanément, apparaissent des sociétés d’escrime comme le Cercle d’escrime de la rue de Bourgogne (vers 1886) ou l’École d’escrime française (vers 1887).
Les sociétés cyclistes naissent vers 1880, avec l’incontournable Union vélocipédique de France, suivie de près par le Club des cyclistes de Paris dans les années 1890, ou d’autres plus spécialisées comme l’Artistic cycle club ou le Club des débitants de vins cyclistes (1895).


En athlétisme, la BHVP conserve quelques documents, notamment de l’Union athlétique parisienne, qui fait son apparition dès 1892, ou du Club français : société de sports athlétiques (vers 1895).
Pour la natation, la Libellule : société d’encouragement à la natation et au sauvetage est une des sociétés les plus anciennes, pour laquelle nous conservons des documents (vers 1905). Elle est contemporaine de la Société nationale d’encouragement à la natation, qui organise la Traversée de la Seine à la nage, à partir de 1905.
Du fait de la collecte par les bibliothécaires eux-mêmes, agents de la Ville de Paris, on peut noter aussi la présence de nombreux documents émis par l’APSAP, Association des personnels sportifs des administrations parisiennes de la Ville de Paris, qui propose un grand éventail de sports (athlétisme, cyclisme, natation, etc.). Les pièces les plus récentes datent de 1990.


Les types de documents liés aux sociétés décrits dans l’inventaire sont variés. On peut citer : des statuts et règlements, des invitations aux assemblées générales, des bulletins d’affiliation et de cotisation, des reçus de cotisation, des cartes de membre, des publications annuelles (annuaires, rapports), des lettres et cartons d’invitation aux réunions et soirées (anniversaires, bals, messes, etc.) qu’organisent ces structures, des bulletins propres à la société (ex : le Bulletin du Club des patineurs de Paris : organe officiel du Club des patineurs de Paris). De nombreuses revues sportives sont par ailleurs conservées dans les collections de la bibliothèque, comme le décrit cet article.
Les lieux de pratique : gymnases, manèges, vélodromes, stades, piscines…
La plupart des sports cités dans l’inventaire sont pratiqués dans des lieux particuliers qui leur sont propres (natation en piscine, escrime en salle d’armes, etc.). D’autres nécessitent un cadre naturel particulier pour être exercés : la montagne pour le ski ou l’alpinisme, une étendue d’eau pour les sports nautiques ; leur pratique n’est donc pas forcément parisienne et les séries consacrées à ces disciplines ne comprennent pas toujours de sous-partie portant sur les lieux de pratique.


L’inventaire nous fait découvrir un grand nombre de lieux de pratique à Paris, qu’il s’agisse de lieu d’enseignement, d’entraînement ou de compétition. Les salles d’armes et les pas de tir sont déjà nombreux au 19e siècle. Les futurs soldats s’entrainent alors dans des gymnases privés, tenus par des professeurs plus ou moins renommés (Hippolyte Triat ou Eugène Paz) . Des hippodromes et des arènes, autant lieux de sport que de spectacle, sont aménagés à la fin du 19e siècle, comme par exemple l’Hippodrome de Montmartre pour l’Exposition universelle de 1900. Les stades et les vélodromes accueillent les premières grandes courses, comme le Grand prix cycliste de la Ville de Paris.

BHVP, 2-AFF-008357

BHVP, 4-DEP-013-0025
Après la 1ère Guerre mondiale, suite à la loi Cornudet de 1919, les pouvoirs publics commencent à construire des équipements sportifs. Quelques piscines sont creusées à Paris, comme celle de la Butte-aux-Cailles, inaugurée en 1924.
Parmi les lieux de pratiques sportives, il faudrait aussi citer les terrains de jeu de paume, qui se transforment presque tous en courts de tennis, les golfs, les patinoires, les frontons, les rings…
À ce sujet, certains sports très grand public comme la boxe anglaise, le catch ou la lutte donnent lieu à des événements se déroulant aussi dans de grandes salles de spectacles (Folies-Bergère, Hippodrome de Montmartre, Palais Omnisports de Paris-Bercy, etc.) car les salles dédiées sont souvent trop petites. Les documents relatifs à ces manifestations sont classés dans les dossiers de programmes des salles en question (cotés -PRO- et à rechercher par ailleurs dans notre catalogue en ligne).
Des manifestations en tous genres
Ces sous-parties sont les plus développées de l’inventaire, car derrière le terme « Manifestations » sont classées toutes sortes d’évènements à caractère plus ou moins sportif.
La plupart de ces manifestations sont de pures compétitions, d’autres sont plus festives, et les dernières, plus « scientifiques ».
Petit abécédaire des compétitions sportives
Les courses et les concours représentent le plus gros volume de documents de cet ensemble.
Les courses cyclistes comme les 6 jours, par exemple, attirent de nombreux annonceurs publicitaires, qui font grossir les programmes au fil du temps. Nous possédons presque tous ceux de cette course de 1930 à 1984. Les courses à pied et marathons, les courses de yachts avec les 6 heures de Paris, sont aussi assez médiatisées.



Les concours ne sont pas seulement hippiques, même si plusieurs ont traversé des décennies comme le Concours central de Paris ou le Concours hippique international. En gymnastique, l’inventaire comprend un prospectus annonçant le Concours national et international de gymnastique et, parmi les sports d’adresse, le Concours de pétanque du 7e arrondissement.
Ces manifestations peuvent aussi être des tournois ou des championnats, comme le Tournoi international de natation de 1907 organisé à Joinville-le-Pont, ou le Championnat international de danse d’endurance (au cirque Médrano) en 1931, dont nous conservons le règlement.

BHVP, 4-AFF-005428

Les matchs concernent souvent le football (Coupe de France et Coupe du monde) ou le rugby ; l’inventaire comprend aussi une affiche annonçant un match de chistera en 1942, au profit des prisonniers de guerre.
On trouve dans cet ensemble des documents liés à d’autres types de manifestations comme des billets d’entrée à des courses de taureaux et des corridas (vers 1890), de nombreux programmes d’assauts en escrime, une affiche pour des Joutes nautiques en 1905, des éphémères variés sur les Jeux interalliés de 1919 au stade Pershing, l’affiche du Meeting national de l’air en 1952, ou des coupures de presse sur les Universiades – compétitions internationales universitaires multisports – de 1983.
Les Jeux olympiques sont traités dans la partie « Omnisports ». L’inventaire couvre les éditions de 1906 à 2012. Les documents relatifs aux concours sportifs organisés en 1900 dans le cadre de l’Exposition universelle, et considérés comme la 2e olympiade moderne, sont décrits dans l’inventaire des éphémères des Expositions universelles et internationales ayant eu lieu à Paris. La 8e Olympiade (Paris, 1924) est relativement bien documentée dans nos collections : programmes et affiches, courriers officiels du CIO, billets d’entrée au stade Yves-du-Manoir (Colombes), vignettes commémoratives, etc. Pour les JO de 1956 (Melbourne), nous conservons le carton d’invitation de la réception des athlètes français vainqueurs à l’Hôtel de Ville, en 1957, et, pour ceux de 2012, une épinglette (ou pin’s) avec le logo de la candidature de Paris pour accueillir la manifestation.

En aéronautique, ou en sport automobile, les manifestations, rallyes et autres circuits, relient souvent un point à un autre, comme le Circuit européen d’aviation, en 1911, qui part de l’hippodrome de Vincennes et pour lequel nous conservons plusieurs cartes du parcours, ou le Paris-Madrid, course aérienne de 1 200 kilomètres, en trois étapes, partant de l’héliport d’Issy-les-Moulineaux. L’inventaire comprend aussi un prospectus sur la Première traversée aérienne de l’Atlantique par des aviateurs français en 1929.
Dès 1900 est lancée, sur terre, en automobile, la Coupe Gordon-Bennett, par un journaliste américain. Nous possédons un carton d’invitation de 1903. Plus proche de nous, citons une course régionale organisée par plusieurs associations dont l’ASPAP, le Rallye de la Seine, et dès 1978, le rallye-raid-marathon Paris-Dakar, très médiatisé.
Manifestations festives
D’autres manifestations, toujours en rapport avec le sport, ont un caractère plus festif. En 1919, la Fête du muscle est organisée par l’Association de la maison des journalistes, au Jardin des Tuileries ; nous en possédons le programme. Pendant l’Entre-deux-guerres, le Vélodrome d’hiver accueille la Fête du sport. A partir de 1950, la Ville de Paris lance les Grandes fêtes de la Jeunesse ; des démonstrations de plusieurs sports y sont proposées, de gymnastique notamment. La Fête équestre de Rambouillet, quant à elle, présente les différentes disciplines liées à l’équitation.

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Autres manifestations
Dès la fin du 19e siècle, l’intérêt pour les questions sportives se développe. Des manifestations liées au sport, mais sans la pratique, voient le jour. C’est le cas de l’Exposition internationale « Cycles et sports » qui se tient à la Plaza de Toros dans le 16e arrondissement dès 1892 ; nous en possédons des programmes, des cartons d’invitation et des prospectus. Un Congrès international d’éducation physique a lieu en 1913 à la Sorbonne ; son programme propose des conférences de médecins et des démonstrations sportives. L’année suivante, en 1914, a lieu une conférence « Sports et beauté » à l’Odéon ; projections et conférence sont mentionnées sur le programme paru dans Le Journal.
Pour conclure
Du sport pratiqué dans un cadre privé et souvent réservé à une élite au 19e siècle, on s’achemine au fil du temps vers des usages gagnant toutes les couches de la population et soutenus par les pouvoirs publics. Les manifestations internationales sportives reçues par Paris dès 1900, leur médiatisation par les organes de presse et l’accroissement du temps libre ont aidé à changer cet état d’esprit et à rendre le sport plus accessible.

BHVP, 4-AFF-005558

BHVP, 0-AFF-000368
En dépit des biais liés à la collecte, par exemple la grande quantité de documents sur les courses hippiques liée au don de Jean Lorenzi, qui a travaillé pour le Pari Mutuel, l’ancienneté et la variété des documents décrits dans cet inventaire, ainsi que la diversité des sports illustrés nous donnent un très bel aperçu de l’évolution de la pratique sportive dans la capitale. De plus, les documents se distinguent par leur bon état général. Ils sont consultables par les chercheurs même si l’ensemble est presque entièrement numérisé et visible en ligne dans le catalogue des bibliothèques spécialisées et dans le Catalogue collectif de France (CCfr).
- Pour plus d’information à ce sujet, voir notamment https://bhvp.hypotheses.org/297 ↩︎
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Sylvaine Lambert (16 août 2024). Les éphémères portant sur le sport à Paris. L'échauguette. Consulté le 19 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/126br