La presse sportive dans les collections de la Bibliothèque historique

Née au milieu du 19^e siècle, la presse sportive occupe une place restreinte au sein des collections de la Bibliothèque historique : environ 168 titres sur les milliers de titre que nous conservons. Néanmoins, les titres conservés, pour la plupart rares voir uniques, retracent fidèlement l’évolution de ce type de presse et implicitement celle du sport en France.

 La naissance de la presse sportive

Dans la seconde moitié du 19^e siècle, le sport acquiert en revanche une importance grandissante dans la société française. Introduit par les Anglais vivant dans l’Hexagone, le sport – terme dérivé du vieux français desport désignant le divertissement, le loisir – est rapidement adopté par l’aristocratie française. L’aviron, la course à pied, le lawn-tennis (tennis sur gazon), le golf, la chasse à courre, l’équitation, ou encore le skating (patin) constituent à la fois un loisir et un moyen d’améliorer sa condition physique. Devenue partie intégrante du mode de vie de la haute société, la pratique d’une activité sportive lui permet de se distinguer de la nouvelle classe sociale propulsée par la III^e République.

A partir des années 1850, les mesures prises dans le domaine de l’enseignement public favorisent le développement du sport. Introduite sous la Restauration, la gymnastique se développe dans un premier temps dans les institutions militaires, puis dans des établissements civils privés. En 1869, un décret rend l’enseignement de la gymnastique obligatoire dans les écoles primaires de garçons, les collèges et les lycées. Pendant que l’éducation physique intègre le programme pédagogique, les premières structures administratives à caractère sportif se mettent en place ; l’éducation physique devient donc une des priorités de la République.

Le 17 septembre 1854, le premier numéro du journal Le Sport marque les débuts de la presse sportive. Edité par Eugène Chapus, ancien feuilletoniste, Le Sport a pour modèle le journal britannique Bell’s Life. Destiné aux gens du monde, cette publication à caractère mondain consacre une large place à l’équitation, au canotage, au tir, au whist et au billard …, mais aussi à l’actualité théâtrale et aux salons littéraires. Publié jusqu’en 1900, le journal connaît une interruption de quelques mois entre 1870 et 1871. A l’instar du Sport, les grands quotidiens se dotent de rubriques qui analysent les événements sportifs et les résultats des courses. Soutenus par la presse d’information, une trentaine de journaux sportifs voient le jour jusqu’à la fin du siècle. Si certains connaissent une existence éphémère, d’autres survécurent longtemps en changeant de titre ou en fusionnant avec d’autres publications.

Chasse et pêche, une première presse sportive spécialisée

Dans la seconde moitié du 19^e siècle, l’engouement pour les sciences naturelles et le développement des récits de voyages se traduit par l’essor des sports de plein air. De plus, la découverte des bienfaits de la nature, sous l’influence de la doctrine hygiéniste, encourage des activités tel que l’alpinisme, le golf, la pêche, la chasse, ou le yachting. L’apparition et le développement d’une presse en lien avec les sports de plein air témoignent de cette tendance. Le Faisandier, La pêche moderne et les sports, L’écho de la chasse, Vie au grand air ou encore Le garde-chasse et faisandier … on dénombre une dizaine de titres !

Edité dès 1867, La Chasse illustrée est la plus ancienne publication de ce type dont l’existence exceptionnelle s’étale sur un demi-siècle. Richement orné d’illustrations, le journal réunit récits de voyage et informations à caractère scientifique. Les articles sont signés des plus grands écrivains cynégétiques de l’époque. Ainsi, dès le premier numéro, Alexandre Dumas fils publie une chronique qui s’étale sur plusieurs numéros racontant ses chasses au bord du Danube.

Chaque numéro propose des articles consacrés au règne animal. Des espèces des plus variées et exotiques, de la perdrix à l’éléphant, sont présentées dans leur milieu naturel. En étroit lien avec la chasse, on retrouve une rubrique traitant du dressage des chiens. A partir du 20^e numéro daté du 30 novembre 1867, le journal inaugure un Courrier des Eaux. Inspiré par les savants anglais, cette chronique mensuelle devait servir de « lien à toutes les observations qui sont faites sur le régime des eaux : nous entendons par là l’apparition ou la disparition de telle ou telle espèce à un endroit donné, à une époque déterminée ». Enfin, les aspects institutionnels en lien avec la chasse et la pêche ne sont pas négligés, la Chasse illustrée offrant une mise à jour des derniers décrets réglementant ces activités.

Conséquence directe de l’émergence du sport en France, les premiers titres spécialisés se font donc l’écho des préoccupations d’un lectorat issu de la haute société. C’est une presse où l’actualité mondaine et le feuilleton se mêlent à l’information à caractère sportif. Toutes les disciplines pratiquées par les sportsmen français sont traitées sans distinction. Néanmoins, il n’y a pas d’article de fond et l’écriture a tendance à prendre le pas sur le traitement de l’actualité sportive.

La consécration de la “Petite Reine”

Les progrès scientifiques et technologiques de la Belle époque ont engendré d’importantes mutations dans la société française, notamment dans le domaine des pratiques culturelles et des loisirs et les lois sur l’obligation de l’enseignement ont eu pour conséquence la baisse de l’illettrisme et l’apparition d’un nouveau lectorat. A l’aube du 20^e siècle, la presse sportive se développe donc et se spécialise pendant que le sport se diffuse en milieu populaire. De toutes les disciplines, le cyclisme a réussi à s’imposer en peu de temps dans l’ensemble de la société, devenant le sport national.

Breveté au début du 19^e siècle, le vélo – alors prénommé vélocipède – demeure longtemps un objet excentrique, réservé à l’usage ludique de l’aristocratie. En 1861, l’invention de la pédale révolutionne « le cheval de fer ». Présenté pendant l’Exposition Universelle de 1867, le vélocipède à pédale rencontre un succès immédiat. Les commandes s’envolent et sa fabrication industrielle s’impose. Dès lors, les classes aisées lancent une nouvelle mode. En 1868, s’organisent les premiers clubs vélocipédiques et des journaux spécialisés sont publiés à l’attention des velocemen.

Quelques mois après sa parution, le Vélocipède illustré est à l’origine de la première course cycliste sur route, Paris-Rouen, qui se déroule le 7 novembre 1869. Annoncée dans le numéro du 30 septembre, la compétition réunit 120 concurrents de France et de l’étranger, dont 4 dames. Qualifiée « d’inhumaine », la compétition crée l’actualité. Sa préparation et son déroulement sont suivis de près par le journal dont le tirage double à cette occasion. Alliant sport et spectacle, le premier événement sportif était né. Plus tard, l’exemple du Vélocipède illustré sera imité par d’autres journaux concurrents, à l’origine de nouvelles compétitions, dont le mythique Tour de France.

Dans les années 1890, la presse cycliste connaît un véritable envol tandis que les premiers journaux satiriques font leur apparition. Le 15 mai 1897, l’hebdomadaire comique et illustré l’Auto-vélo voit le jour. Dans ses pages on trouve le résultat des courses, une rubrique consacrée à l’automobile et même une chronique théâtrale. Après 27 numéros, l’Auto-vélo fusionne avec la Trompe, autre journal sportif et satirique. Ainsi, la nouvelle formule entend être :

Le plus gai, le plus vivant, le plus malicieux et le moins méchant des hebdomadaires illustrés.

Malgré les efforts de son rédacteur en chef, Pierre Lafitte, et la qualité des illustrations en couleur, le journal cesse de paraître en janvier 1898.

 

Les améliorations techniques apportées au vélocipède et la baisse du coût de fabrication ont contribué à sa démocratisation. Appelé désormais bicyclette, ce n’est plus un objet de loisir, mais un moyen de locomotion. Breveté en 1906, les cycles La Souveraine séduisent un large public constitué de professionnels comme des amateurs. En 1912, le constructeur publie son propre journal L’écho de la Souveraine Violette, du nom du dernier modèle « la meilleure machine pour le meilleur cycliste ». Imprimé avec de l’encre violette, le feuillet traite des dernières inventions et prouesses techniques. Il fait connaître l’activité des sections parisiennes de La Souveraine et renseigne sur les Prix organisés en France et à l’étranger. En octobre 1912, les performances de la Souveraine-Violette vont pousser le cycliste allemand Sygmar Rettich à accomplir un véritable exploit. Au cours d’un concours d’aviette – des bicyclettes équipées d’ailes –, il réalise un vol de plus de 3 mètres 50 à 30 centimètres du sol.

Une presse spécialisée toujours plus diversifiée

Si le vélo s’installe progressivement dans le quotidien des classes moyennes et populaires, les élites le délaissent pour s’intéresser aux sports mécaniques. Bénéficiant des progrès du 19e siècle, les sports automobile et aérien deviennent les nouveaux loisirs à la mode des classes fortunées. Leur histoire est étroitement liée aux courses.

Dans le domaine de l’aviation, les premiers aéro-clubs sont fondés dans les années 1897-1898 et les exploits des premiers pionniers se font de plus en plus nombreux. Désormais, les deux disciplines occupent régulièrement les pages de la presse d’information. Pendant les années folles, époque de gloire des sports mécaniques, de nouveaux clubs sont créés et pas moins de 150 titres spécialisés voient le jour dont 12 sont conservés à la Bibliothèque historique.

Si dans la France rurale les jeux anciens de force et d’adresse sont pratiqués lors des occasions festives, la Grande Guerre va lui faire découvrir de nouveaux sports. Ainsi, les soldats sportifs initient leurs frères d’armes au football, au rugby et à la boxe et participent à des compétitions entre régiments. Pendant ce temps, L’Auto, Le Figaro, L’Intransigeant ou encore Le Petit Parisien publient des rubriques consacrées aux sportifs au front et se mobilisent afin de leur envoyer des ballons, des gants de boxe et autres accessoires sportifs. Après la guerre, la pratique du sport se généralise partout en France. La création des fédérations de football, de rugby et de natation dans les années 1920 est accompagnée de nouvelles publications.

A l’aube du 19^e siècle, l’essor du sport se traduit par la diversification de la presse sportive qui devient plus technique. Ainsi, on observe une augmentation du nombre de titres spécialisés dans une discipline. Les journaux créent les premiers événements sportifs qu’ils couvrent par de vrais reportages que la photo vient d’enrichir.

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Les débuts de la presse sportive sont intimement liés à l’émergence du sport en France. Réservée à l’aristocratie et à la bourgeoisie industrielle, la pratique du sport se démocratise en même temps que la presse gagne les classes populaires. A partir de la fin du XIXe siècle, de nouvelles disciplines sportives sont introduites en France. La création de clubs sportifs et l’apparition des publications spécialisées témoignent d’un véritable engouement au sein de la société.

A ce titre, la bicyclette, symbole du progrès, demeure l’illustre exemple. Avec une centaine de titres qui lui sont consacrés jusqu’en 1900 partout en France, son succès engendre une véritable concurrence au sein de la presse spécialisée. Cette rivalité est à l’origine de la création des grands événements. Leur dimension spectaculaire retient l’attention et passionne un public de plus en plus large.

L’alliance entre sport et presse sportive est définitivement scellée.

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