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Nouvelles acquisitions 2024 : Réserve des Imprimés

La nouvelle année 2025 est, comme à chaque fois, l’occasion de faire un point sur les acquisitions patrimoniales réalisées par la Bibliothèque historique l’année précédente. Parmi les ouvrages achetés afin d’être placés en Réserve, deux d’entre eux se distinguent particulièrement.

Un carnet de bal parisien du Second Empire

Cet ouvrage n’est pas vraiment un livre imprimé mais plutôt un écrin, destiné à accueillir des feuilles de carnet de bal qui ont aujourd’hui disparu. Si nous avons souhaité l’acquérir, c’est donc pour sa très belle reliure en ivoire avec cinq cabochons représentant des vues parisiennes, un type de reliure jusqu’ici absent de nos collections.

Le carnet de bal apparaît à partir des années 1820 : prenant la forme à l’origine d’un éventail, il se transforme ensuite, pour les plus riches, en objet d’art en nacre, argent ou ivoire. Les danseurs moins aisés se contentent, eux, de cartons imprimés spécialement pour la soirée. Plutôt destiné à l’origine aux danseuses, il est aussi adopté plus tard par les hommes. On trouvait à l’intérieur une feuille vierge (ou pré-remplie au début du 20e siècle) avec l’ordre des danses, l’idée étant d’y inscrire ses courtisans.

Ce carnet de bal en ivoire tombe dans la catégorie des objets destinés aux danseurs les plus aisés : initialement destinée à une danseuse, comme semble l’indiquer le rabat intérieur en soie rose, il est surtout frappant pour sa reliure représentant cinq monuments parisiens, chacun sous son cabochon individuel. Dans l’ordre, de haut en bas et de gauche à droite sont ainsi représentés : l’Arc de Triomphe, la colonne Vendôme, le Palais de l’Industrie, la Concorde et la Bourse.

De ces cinq vues, c’est sans doute celle du Palais de l’Industrie qui est la plus frappante : sa taille, plus importante, et son emplacement, au centre, laissent à penser que ce carnet de bal a été réalisé peu après l’inauguration de ce monument en 1855. Toute l’attention se porte ainsi sur ce bâtiment flambant neuf, conçu par Jean-Marie Victor Viel et Alexis Barrault afin de proposer un cadre d’exposition pérenne en plein coeur de Paris. De fait, le Palais a été en activité jusqu’en 1896 et a servi à la réception de nombreux évènements : salons artistiques, expositions universelles, foires agricoles etc … Aujourd’hui disparu, le Palais de l’Industrie se trouvait sur l’emplacement de l’actuel Petit Palais, orienté parallèlement à la Seine. La vue présente sur ce carnet montre sa façade en pierre ; cette dernière cachait une nef de plus de 200 mètres, réalisée en verre et fer selon les principes de l’architecture rationaliste typique de cette époque.

Les autres vues parisiennes célèbrent aussi le jeune régime impérial de Napoléon III : l’Arc de Triomphe et la Colonne Vendôme, ont été construites sur ordre de Napoléon 1er ; la place de la Concorde permet de faire une référence à l’héritage révolutionnaire dont les Bonaparte n’ont cessé de se prévaloir ; le Palais de la Bourse, enfin, met l’accent sur la prospérité économique souhaitée par Napoléon III.

“Dignimont … ou ces messieurs-dames”, Francis Carco, 1926

A partir de 1910, Francis Carco est un habitué du Lapin Agile sur la butte de Montmartre ; dès lors, il se fait le chantre des nuits parisiennes et des bas-fonds de la capitale. Cet ouvrage, publié en 1926, ne fait pas exception à la règle puisque “Dignimont ou ces messieurs-dames” offre une plongée dans le milieu de la prostitution parisienne à la veille des années 1930. Pour réaliser ce récit, Francis Carco s’appuie directement sur les illustrations réalisées par André Dignimont, dont il propose un commentaire. Comme Carco, Dignimont fréquente aussi Montmartre et ses nuits endiablées. Artiste protéiforme, il est resté célèbre pour ses illustrations légères. Selon les dires de Carco :

“Hommes et femmes de ce monde sont tels dans ses dessins qu’ils sont réellement. Soit au bar. Soit au lit. Soit au bal. En tous lieux. En toutes heures. [Et les amies de ces Messieurs également, qu’elles soient assises dans un café, ou tournent dans un guinche, distraites, impénétrables, filles de maison, filles de trottoir, esclaves de ces gentlemen attablés au bistro du coin et annonçant parfois en abattant leurs cartes “Belote et rebolote” ou “Deux cent de valets”, nous les voyons parmi leurs amours, leurs jeux, leurs misères, leurs bas et quotidiens ennuis.”

A travers ce récit à double voix, se dévoile ainsi un monde en plein changement, Carco et Dignimont ne manquant pas de remarquer les nouveaux rapports de force entre les prostituées et leurs clients, ainsi que les lieux changeants du proxénétisme parisien.

Outre son sujet, cet exemplaire a également plusieurs avantages pour lui : il s’agit d’un tirage limité sur papier japon, numéroté 10 sur 13. En outre, ce récit est relié avec deux jeux d’épreuves de l’ouvrage : on y retrouve aussi bien la patte de Francis Carco, qui apporte quelques corrections de dernière minute à son texte, que celle de son éditeur qui se préoccupe de la mise en page. La page de titre ne comporte par de nom d’éditeur mais il est probable qu’il s’agisse de Ronald Davis qui a publié cinq plus tôt une maquette très similaire pour un autre roman de Carco, L’ami des filles. A ce recueil s’ajoute également trois dessins originaux d’André Dignimont à la mine de plomb, dont deux inédits qui ne figureront pas dans l’édition finale.

Pour ne rien gâcher, cet exemplaire a été relié par Ersé qui offre une interprétation toute personnelle du récit : il propose une reliure en veau vert, estampée à froid et mosaïquée afin de faire figurer, sur le plat supérieur, une perspective typiquement parisienne avec un lampadaire, une façade d’hôtel et un café. Ce relieur, absent des ouvrages de références sur les relieurs parisiens, a été actif au moins jusqu’en 1944, date à laquelle il reprend quasi à l’identique ce motif sur un autre ouvrage bibliophilie parisienne1.

Mais aussi …

Parmi les autres acquisitions réalisées par le département des Imprimés et de la Réserve en 2024 on compte aussi :

  1. lot 31, vente du 26 octobre 2023 chez Baron Ribeyre []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Julie Duprat (21 février 2025). Nouvelles acquisitions 2024 : Réserve des Imprimés. L'échauguette. Consulté le 23 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13cpd


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