José de Bérys (1883-1957)
En 2006, Francine Bloch, fille de l’homme de lettres José de Bérys, a fait don des archives de son père à la Bibliothèque historique. Ces archives, composées de textes manuscrits, de lettres, de photographies, de dessins et de coupures de presse, constituent le fonds José de Bérys, désormais consultable à la bibliothèque.
Ce fonds éclectique dévoile le parcours singulier de cet auteur, surtout connu pour son activité de dramaturge mais aussi des documents inédits sur Darius Milhaud et Edouard Millaud, parents de Bérys, ainsi que plusieurs archives liées à Francine Bloch. La Bibliothèque historique vous propose dans ce billet une promenade dans ce fonds, en espérant vous donner envie de venir le voir de plus près !

Bérys, journaliste

José de Bérys pratique le journalisme durant toute sa vie active. Dès son arrivée à Paris, il se met à écrire pour divers journaux, en particulier Le Radical. Le fonds montre une production très variée, certes dominée par la critique littéraire et théâtrale, mais qui comporte aussi des portraits de personnalités (Albert Londres, Charles Dullin, Mistinguett…), des souvenirs personnels (le Quartier latin), des épisodes de l’histoire de France (La maison de Jeanne d’Arc, Bonaparte révolutionnaire).
Ayant grandi à Lyon, José de Bérys écrit un article sur le Parc de la Tête d’Or, un autre sur la Dombes. Installé à Vichy dans les années 1930, il assiste à la chute de la République en juillet 1940 et la raconte dans un article publié en 1945 : Les journées de juillet 1940 à Vichy ou l’étranglement de Marianne.
Une de ses marottes consiste à récolter les poèmes écrits par des personnalités a priori étrangères à la production poétique, et en particulier des hommes politiques (Poincaré, Fallières, Blum…) En 1948, il les évoque dans une série d’interventions radiophoniques dans le cadre de l’émission.
Une large part de la production journalistique de José de Bérys est consacrée à des contes. Il y en a plusieurs dizaines, écrits tout au long de sa carrière. Ce sont de brèves histoires où se donnent libre cours les projets criminels, les tromperies amoureuses, les vengeances, les escroqueries… Le ton est drôlatique, car José de Bérys se prend rarement au sérieux, et le rythme ne faiblit pas jusqu’à un dénouement brutal et inattendu. Quelques titres : Le coffre indien, Des cloches dans le ciel, Le micro tragique, Le rajeunisseur, Le réveillon de Jacqueline.

Bérys, poète
Comme bien d’autres avant lui, José de Bérys s’est d’abord voulu poète. A côté du journalisme, il a persévéré dans cette voie durant plusieurs années. En 1905, il publie un recueil intitulé Les névroses passionnées, qui lui vaut cette appréciation de Fernand Gregh : « Mon cher poète, j’ai lu avec le plus vif plaisir vos Névroses passionnées. Ce sont des vers très puissants, très musicaux, où l’on sent vraiment rire et pleurer une âme. » (4-TFS-022-437)1.
La Grande Guerre, pendant laquelle il est infirmier à l’Hostel Dieu de Lyon, lui inspire plusieurs poèmes, comme ce Gloire, soleil des morts qui commence ainsi :
Gloire, soleil des morts, tu viendras à ton heure
Dorer les bourgs en ruine et les champs calcinés,
Opposer à l’oubli la haine qui demeure
Et baigner de lueurs nos espoirs obstinés !

Un de ses textes les plus réussis est sans doute cette Chanson pour une fille de rien, hommage sincère à « sa sœur, son humble sœur » des rues, qu’il voit en consolatrice :

Avec Bérys, toutefois, l’humour reprend vite ses droits, comme dans le poème Directrices – sur les directrices de théâtre – dont voici la strophe concernant la célèbre Cora Laparcerie :
Aux Bouffes triomphait Cora, Elle porte ailleurs son génie ! Mais c'est un succès qu'encore a Laparcerie !
En 1917 il traduit et fait publier le Poème à la France de Rudyard Kipling, ce qui lui vaut les remerciements de l’auteur. Moins poétiques mais plus lucratifs, José de Bérys écrira des textes de chansons, comme celui de Tu sais (1927), œuvre qui figure encore dans les décomptes de la SACEM envoyés à Francine Bloch soixante-dix ans plus tard.
Bérys, dramaturge
Cependant, là où José de Bérys se distingue, là où son talent se déploie le mieux, c’est au théâtre. Il écrit de nombreuses comédies comme Assiette anglaise (1930), Le gigolo surmené (1929), Zizette en ménage (1938). En 1935 se joue au Théâtre Cluny Ma veuve s’amuse qu’il a écrit avec Benjamin Rabier. Il collabore à des opérettes : Coco du Colorado (1924), La môme Angélique (en association avec Willy), Jo-Jo, La belle Polonaise (1914).
Il faut mentionner également les sketchs, les pièces radiophoniques, et surtout les revues, ces spectacles satirico-poétiques souvent liés à l’actualité et émaillés de chansons. José de Bérys est cité comme co-auteur un nombre incalculable de fois, par exemple pour Quoi qu’y gn’a ? (1908), Allumez-vous ! (1911), Bagatelles (1927), Pour vous plaire et Paris-Chic (ces deux dernières étant parties en tournée au Brésil en 1922), et bien d’autres.

Parmi les sketchs, on remarque Fibremol fait des fredaines, écrit pour Fernandel en 1931. Le sketch aura du succès et rapportera des droits à son auteur pendant plusieurs années. Le fonds contient trois lettres de Fernandel à José de Bérys, où le chanteur-acteur se montre un homme d’affaires méthodique et avisé.

Le nom de José de Bérys est souvent associé au Théâtre du Grand Guignol, et à juste titre car les liens entre Bérys et ce théâtre, dont il a été le secrétaire général dans les années 1930, ne se sont jamais démentis. Outre les pièces qu’il a pu écrire directement pour le Grand Guignol (Un cri dans la nuit, Les ondes tragiques, L’égorgement de Mme Praslin), on le vérifie dans l’abondante correspondance qu’il a entretenue avec André de Lorde, le prolifique auteur de pièces d’épouvante. Quant à Un cri dans la nuit, c’est sa pièce la plus connue, la plus jouée, celle qui rapportera encore des droits d’auteur à sa fille dans les années 1990.
La jeunesse de Darius Milhaud
La parentèle de José de Bérys plonge ses racines dans le vivier des anciennes familles juives du Comtat-Venaissin, souvent liées entre elles par des mariages. Ainsi des Milhaud (ou Millaud). La mère de José de Bérys s’appelait Anaïs Milhaud, et si l’on sait que José de Bérys était né à Aix-en-Provence, on ne s’étonne guère que le compositeur Darius Milhaud, lui aussi natif d’Aix, ait été l’un de ses cousins.
Cette parenté explique la présence dans le fonds José de Bérys de lettres familiales de Darius Milhaud et de photographies d’enfance et de jeunesse qui laissent entrevoir un visage moins connu de l’auteur du Bœuf sur le toit et de la Suite provençale.

La IIIe République d’Edouard Millaud

Les documents concernant le sénateur Edouard Millaud (1834-1912) constituent une part importante du fonds. Edouard Millaud avait probablement un lien de parenté avec José de Bérys : en tout cas ce dernier a dirigé avec Louis Payen l’édition posthume du Journal d’un parlementaire, où Edouard Millaud raconte ses séances à la Chambre, au Sénat, ainsi que ses dîners et sorties avec des personnalités.
C’est la correspondance professionnelle qui tient la première place dans les papiers d’Edouard Millaud. Les hommes politiques de l’époque sont ses collègues et il reçoit d’eux toutes sortes de billets, souvent assez brefs. On y trouve de grandes signatures, comme celles de Jules Ferry ou Victor Schoelcher, mais aussi des personnages hors norme, comme Eleuthère Mascart, initiateur de la météorologie nationale.

Dans sa vie de parlementaire, Edouard Millaud a eu l’idée de collecter des dessins faits par des collègues qui s’ennuyaient en séance. C’est ainsi qu’on a la surprise de rencontrer dans le fonds des dessins – souvent d’une étonnante qualité – exécutés par Sadi Carnot, Victor Schoelcher, Edouard Lockroy ou Millaud lui-même.


Edouard Millaud, républicain convaincu, a également collecté des lettres révolutionnaires. La plupart sont envoyées au général Piston, commandant de l’Armée des Alpes. Elles reflètent son lien avec la région lyonnaise, puisqu’il fut député du Rhône tout au long des années 1870.

Bernard Poche et Francine Bloch
A la fin des années 1990, l’universitaire Bernard Poche entame une correspondance avec la fille de José de Bérys, Francine. Il s’intéresse au monde littéraire lyonnais et à la diaspora lyonnaise dont fait partie José de Bérys. Cette correspondance aboutira à plusieurs articles, qui permettent d’en savoir davantage sur les débuts de José de Bérys.

L’inventaire est à retrouver dans son ensemble sur notre catalogue.
- Ses poèmes manuscrits sont regroupés sous la cote 4-TFS-022-169, dactylographiés sous 4-TFS-022-170 et imprimés sous 4-TFS-022-171 [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
fdelabretoigne (11 avril 2025). José de Bérys (1883-1957). L'échauguette. Consulté le 24 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13q5n