L’Iconographie du vieux Paris d’Alfred Bonnardot

Nous ne saurions trop conseiller à qui s’intéresse à des représentations de monuments disparus de Paris d’éplucher les 24 articles de l’Iconographie du vieux Paris, écrits par Alfred Bonnardot (1808-1884), immortel historien de la topographie du Paris ancien1. Malheureusement publiés en feuilletons dans la Revue universelle des arts de son ami Paul Lacroix, de 1855 à 1864, ces articles ont fini par y rester enfouis, échappant à l’attention des historiens de la topographie de Paris depuis quelque temps.
Ces articles visaient à établir un répertoire de vues anciennes de Paris, à la fois des vues générales et panoramas tels que les différents arts avaient pu en fournir – peintures et arts graphiques, mais aussi vitraux ou monnaies – et vues resserrées de monuments. L’entreprise de Bonnardot prend deux formes :
- le recensement de peintures et de recueils de dessins et d’estampes, qu’il établit chronologiquement ;
- le répertoire alphabétique par monuments, énumérant les vues successives qu’il a recensées, publié jusqu’à la lettre I.
Tout est consultable sur Gallica, en plein texte de surcroît. On peut bien sûr s’amuser à lire les articles à l’intérieur des numéros de la revue, mais Émile Le Senne, ce grand collectionneur d’histoire de Paris, a eu la bonne idée de les assembler en un volume également consultable sur Gallica (BnF, 8-Z- Le Senne, 3628)2.
Nous avons jugé utile de remettre ce bel ensemble à l’honneur en en fournissant la liste. En effet, la transversalité du regard de Bonnardot est restée rare, et il n’est pas simple de retrouver rapidement pour un monument donné les vues anciennes existantes. Une monographie historique sur le Pont-Neuf, sur le Palais de justice, fournira bien entendu un nombre étendu d’images, mais si l’on n’en dispose pas sous la main, et tant qu’il n’existe pas un vaste moteur de recherche combinant à la fois les ressources numériques des bibliothèques et des musées d’art et d’histoire, le recours à Bonnardot continuera de s’avérer utile. Au-delà même du recensement effectué, la finesse de son regard et l’étendue de ses connaissances sur le Paris ancien lui faisaient repérer dans une image la particularité disparue, ou la particularité datable. Sa curiosité s’étendait jusqu’au Paris de son enfance et aux nouveaux médias, et il traite ainsi des Bains chinois, et de daguerréotypes.

Un inconvénient notable des recensements de Bonnardot réside dans le changement de la localisation, de l’appellation ou de l’attribution des œuvres qu’il évoque. Cet écueil peut toutefois être compensé en gardant à l’esprit que certaines œuvres ont depuis intégré des collections publiques :
- les œuvres de sa propre collection sont passées en bonne partie au Musée Carnavalet, qui a largement acheté à sa vente des 15-17 mai 1888 (voir le catalogue en ligne) ;
- les 1 500 dessins de Paris de la collection d’Hippolyte Destailleur (1822-1893) qu’il cite régulièrement ont été achetés par la Bibliothèque nationale de France, et sont tous consultables sur Gallica.
Le recensement de peintures, dessins et estampes, et autres objets d’art
- Plans en relief tapisseries. Vitraux. Sceaux, médailles, jetons. Tableaux du vieux Paris: Tableau motif peint vers 1400, tableau de la famille Juvenel des Ursins: tableau du Palais de justice, Revue universelle des arts, II, 1855, p. 266-285 ;
Évoque notamment le Retable du Parlement de Paris du Louvre, le retable de Jouvenel des Ursins (Musée de Cluny), la Pietà du 15e siècle de Saint-Germain-des-Prés (Louvre). - Dix vues de Paris peintes par Raguenet, tableau par Hubert Robert. Vues de Paris, XIXe siècle. Des vieilles enseignes peintes, Revue universelle des arts, 1856, IV, 1856, p. 15-40 ;
- Considérations générales à découvrir les dessins. Pourquoi les grands artistes dédaignaient jadis la topographie. Dessins conservés aux archives, à la Bibliothèque impériale. Des miniatures sur vélin relatives à Paris. Dessins d’édifices parisiens au XVIe siècle. Dessins sous Henri IV, sous Louis XIII, sous Louis XIV, Revue universelle des arts, IV, 1856, p. 385-408 ;
Parmi les œuvres citées, le recueil Merlin-Jacques Cellier (BnF, Ms Français 9152) ; - Dessins sous Louis XV, sous Louis XVI, et la République au XIXe siècle. Classement des dessins. Reproductions de dessins, Revue universelle des arts, 1856, IV, 1856, p. 491-508 [Cite des daguerréotypes].
- Les vues générales Digression sur quelques plans de Paris. Vues de Paris gouachées au XVe siècle. Vues générales de Paris aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Revue universelle des arts, 1857, V, p. 25-46 ;
- On peut y joindre la “Notice sur les principaux recueils de dessins et d’estampes relatifs à la topographie et à l’histoire de Paris du XVIe au XVIIIe siècle“, qu’il publie dans l’Annuaire des artistes et des amateurs en 1861, p. 323-343 ;
- et la “Notice sur une suite de vues de Paris imprimées vers 1802 (par J.C. Nattes) et gravées de 1805 à 1809“, Revue universelle des arts, 1864, XIX p. 268-285.
Le répertoire des monuments et sites parisiens
Approche chronologique
- Le palais de la Cité, les quais sous Charles IX. De quelques tableaux de la fin du XVIe siècle : bals à la cour des Valois, procession de la Ligne; entrée de Henri IV à Paris (cabinet La Meilleraye de l’Arsenal), Revue universelle des arts, III, p. 203-224 [Évoque notamment le tableau peu connu de “Sainte Geneviève au Cromlech” à l’église Saint-Merry].
- Le Pont-Neuf et la Samaritaine. Porte de Nesle. Pont-Neuf, vers 1660. L’autel gothique de Notre-Dame 1663. Vue prise du Pont-Neuf vers 1666. De quelques tableaux historiques peints sous Louis XIV: vues de la Place-Royale, chœur de Notre-Dame, Revue universelle des arts, III, p. 299-308 ;
Analyse des Vues du Pont-Neuf (2 peintures de Versailles) ; de la pompe de la Samaritaine ; de la tour de Nesle (Versailles, MV 781) ; le tableau du plan de la Chartreuse de Paris d’Eustache Le Sueur (Louvre, INV. 8048) rapproché d’une vue de Silvestre ; Vue de la Tour de Nesle de Pieter Wouwermans (Louvre INV. 1966) inspiré de Callot ; l’éventail des farces rue Saint-Antoine (Carnavalet, D 7776) ; - La Chambre dorée du Palais, 1715. Cour de la Sainte-Chapelle, 1715 (tableau de Pierre-Denis Martin). Jardin des Tuileries 1721 (tableau de Charles Parrocel.) Observations sur la Musée de Versailles. De quelques tableaux qu’on voyait à l’Hôtel de Ville. Fanchon la Vieilleuse. La place de Grève vers 1760 (tableau de Raguenet). Incendie de la foire Saint-Germain, 1762, Revue universelle des arts, III, 1855, p. 506-528 ;
- Dumesnil, Le lit de justice de 1715 (Versailles, MV 172) ; J.-B. Martin, La cour de la Sainte-Chapelle, 1715 (Versailles, MV 173) montrant la Chambre des comptes avant l’incendie de 1737 et la chapelle Saint-Michel ; Ch. Parrocel, Mehemet-Effendi aux Tuileries (MV 177) ; Fanchon la vielleuse (Carnavalet) ; tableaux de Raguenet : place de Grève, foire Saint-Germain ; Demachy, Ruines de la foire Saint-Germain (Carnavalet).
Édifices par ordre alphabétique
- Pont-Alais, Saint André-des Arcs. Abbaye Sainte Antoine des Champs. Porte Saint-Antoine, Revue universelle des arts, V, p. 210-221 ;
- Mascarades de la rue Saint-Antoine, XVIIe siècle. Petit Saint-Antoine, Hôtel d’Argenson. Grand Arsenal, Revue universelle des arts, V, p. 402-417 ;
- Grands-Augustins. Ave-Maria. Bastille. Collège de Bayeux. Église Saint-Benoit. Collège des Bernardins. Maison dite de la Reine Blanche. Couvent des Blancs-Manteaux. Hôtel du Petit-Bourbon, Revue universelle des arts, VI, p. 211-242 ;
- Carmélites de la rue Saint Jacques. Carmes déchaussés. Place du Carrousel. Prieuré de Sainte-Catherine du Val des Écoliers. Couvent des Célestins. Maison de Philippe de Champagne rue Mouffetard, Revue universelle des arts, VI, p. 399-418 ;
- Pont au Change. Rue Chanoinesse. Puits rue de la Chanverrie. Sainte Chapelle. Quelques pages sur M. Lassus, Revue universelle des arts, VII., p. 125-143 ;
- Hôtel du Passage Charlemagne (hôtel du Grand-Prévôt). Couvent des Chartreux, Revue universelle des arts, VII, p. 421-434 ;
- Grand Châtelet. Petit Châtelet, Revue universelle des arts, VIII. p. 45-60 ;
- Couvent des Dames de Saint-Chaumont. Bains chinois. Collège de Cluny. Hôtel de Cluny, Revue universelle des arts, VIII, p. 202-212 ;
- Chambre des Comptes. Place de la Concorde. Hôtel de Condé. Hôtel de Conti. Couvent des Cordelières, Revue universelle des arts, IX, p. 152-168 ;
- Porte Saint-Denis. Marché aux Fleurs. Foire Saint-Germain. Hôtel-Dieu, Revue universelle des arts, X, p. 5-24 ;
- Le cimetière des Innocents vers 1570, Revue universelle des arts, II, p. 339-352 ; suite p. 11-29 ; et X, p. 379-396 ;
- Destruction de l’église, du cimetière et du charnier des Innocents, Revue universelle des arts, XI p. 225-247 ;
- Sur les exhumations du marché des Innocents de juin à octobre 1860, Revue universelle des arts, XII, p. 377-391.
Les manuscrits de Bonnardot à la Bibliothèque historique
Bonnardot n’a pas poursuivi plus loin ses publications. Mais ses recherches étaient consignées dans quatre volumes de notes, récupérés par son biographe Victor Perrot et donnés à la Bibliothèque historique en 1914.
Ils forment les cotes 8-MS-460 à 8-MS-463 :
- Vues générales et partielles. Monuments particuliers dans l’ordre alphabétique. A-C (8-MS-460)
- Vues générales et partielles. Monuments particuliers dans l’ordre alphabétique. D-J (8-MS-461)
- Vues générales et partielles. Monuments particuliers dans l’ordre alphabétique. J-P (8-MS-462)
- Vues générales et partielles. Monuments particuliers dans l’ordre alphabétique. P-Z. Bois de Boulogne et de Vincennes (8-MS-463)
- Iconographie des environs de Paris, catalogue de dessins et estampes relatifs aux localités du département de la Seine hors des fortifications » (8-MS-464).
Pour se guider dans une recherche d’images sur un bâtiment de Paris, nous vous conseillons de voir également ce billet : Rechercher des renseignements sur un bâtiment parisien.
- Sur Bonnardot, voir la vivante biographie que lui consacre Victor Perrot, son continuateur pour l’iconographie de Paris, en 1911 dans Le vieux papier, p. 301-319, consultable sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6567405p/f69. Victor Perrot tenta notamment de reprendre l’entreprise avec la revue de sa Société d’iconographie parisienne, mais celle-ci ne dura que deux ans, de 1908 à 1910. [↩]
- La Bibliothèque historique en possède également une version en volume, cote 930895. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Juliette Jestaz (4 octobre 2021). L’Iconographie du vieux Paris d’Alfred Bonnardot. L'échauguette. Consulté le 24 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/lxej